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Éloge de l’inhabituel. Là où le vent le porte, Emmanuel Fleitz, contrebassiste au cœur paysan, trimbale son instrument. Un des leitmotivs de ce troubadour post-moderne consiste à décloisonner la musique expérimentale de la scène et des lieux convenus pour l’apporter dans un village, au coin d’une rue, un centre commercial, là où elle semble la moins attendue, là où l’on a en vérité le plus besoin d’elle.
Ainsi, s’appropriant un lieu tel que l’hypermarché - où règne par excellence la planification et la routine -, le musicien y fait doublement surgir l’inhabituel : premièrement en produisant une perfomance poétique dans un lieu a priori qui n’y est pas destiné, mais aussi relativement au contenu musical proprement dit, de teneur expérimentale, débridée, libre encore. C’est ainsi que, déambulant parmi son semblable l’homo consommatus, Emmanuel Fleitz distille au vent climatisé les pollens étranges et enchanteurs naissant du frottement de ses mains sur le corps de son indéfectible amante, sa gironde contrebasse.
Aussi, partout où il se produit, nerveuses ou lancinantes, acoustiques ou amplifiées, dans une succession de glissements lourds et fluides s’égrènent ses surprenantes mélopées, faites de montées progressives, de pincements abrupts, de distorsions tonales, de brisures du rythme, de variations surprenantes ou l’instrument crie et murmure, chante et chuchote, générant des morceaux complexes et mélodieux où la multiplicité des moyens mis en oeuvre dans le jeu s’enchevêtrent et s’unifient pour former au final une composition pleinement organique où brûle le feu de la vie.
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